À mémé Arlette : une vie qui reste

À mémé Arlette : une vie qui reste

Il est des êtres qui, malgré leur absence, continuent de vivre au plus profond de nous, dont la présence ne s'efface jamais vraiment. Ma grand-mère maternelle, partie trop tôt à l'âge de 69 ans, était de celles qui marquent l'âme à jamais. Femme de cœur et de courage, elle n’a jamais laissé paraître les épreuves que la vie lui imposait, notamment ses nombreux problèmes de santé. Derrière ses gestes simples, il y avait une force discrète, un amour immense qui enveloppait ceux qui avaient la chance de la connaître.

Je me souviens encore de ces après-midis partagés, où elle m’offrait ce goûter qui, pour d’autres, aurait pu paraître banal, mais qui pour moi était un véritable trésor. Un simple morceau de pain accompagné d’un chocolat bas de gamme qui, pourtant, devenait exceptionnel entre ses mains. C’était un moment suspendu dans le temps, où toute la tendresse qu’elle savait si bien distiller se transmettait à travers ce rituel. Ce goûter quotidien symbolisait bien plus que de la nourriture : il était le reflet de cet amour inconditionnel et de cette attention qu’elle nous portait sans jamais rien attendre en retour.

À travers les épreuves, elle conservait cette douceur qui me fascinait tant. La vie ne l’avait pas épargnée, mais jamais elle ne se plaignait, jamais elle ne montrait ses faiblesses. Son courage tranquille résonnait dans chacun de ses gestes, et cela me marquait profondément. Je me rappelle des samedis où, avec ma mère, nous venions l’aider chez elle. Non pas parce qu’elle nous le demandait – elle ne demandait jamais rien – mais parce que c’était une évidence pour nous. Nous nous devions d’être là, de contribuer à alléger un peu le poids des jours, de rendre à cette femme qui avait tant donné sans jamais compter. Ces moments étaient empreints de simplicité, mais ils portaient en eux toute la profondeur de notre lien.

Je me rappelle aussi de ses appels quotidiens à ma mère. À l’époque, je ne comprenais pas pourquoi elle ressentait ce besoin de parler chaque jour, inlassablement. Je ne voyais pas encore que derrière ces conversations se jouait quelque chose de bien plus grand. C’était une manière pour elle de rester présente, de veiller sur nous. Aujourd’hui, je fais la même chose avec ma propre mère, et je ne peux imaginer un monde sans ces échanges quotidiens, comme un fil invisible qui nous relie les unes aux autres.

Ma grand-mère était aussi mon premier soutien, celle qui croyait en moi avant même que je n’aie conscience de mes propres capacités. Je me souviens de ma première médaille en badminton, une médaille d’argent. J’étais partagée entre la fierté d’avoir obtenu une récompense et la déception de ne pas avoir décroché l’or. Mais elle, dans sa sagesse et avec cette confiance inébranlable qu’elle avait en moi, m’a dit que l’or viendrait, qu’il deviendrait même habituel. Elle voyait en moi cette persévérance que, moi-même, je ne percevais pas encore pleinement. Elle me rappelait que le travail acharné finirait par payer, et elle avait raison. Quand j’ai finalement remporté la médaille d’or, elle fut la première à qui j’ai annoncé la nouvelle, comme un hommage à la foi qu’elle avait toujours placée en moi.

Dans ces souvenirs, il y a aussi cet arbre fruitier, ce pied de « zévis » qu’elle aimait tant. Elle nous demandait de ne pas toucher aux fruits, mais moi, chaque fois que je passais près de l’arbre, je ne pouvais m’empêcher d’en cueillir un en cachette. Elle savait pertinemment que j’étais la coupable, et pourtant, elle ne m’a jamais réprimandée. Elle laissait faire, comme si ce petit vol complice renforçait encore davantage notre lien. C’était sa manière à elle de me montrer que son amour surpassait bien des règles, qu'il y avait des silences qui parlaient bien plus que des mots.

Ma grand-mère était également une grande admiratrice d’Enrico Macias, et c’est un souvenir qui me ramène encore aujourd’hui à elle. Pour les 50 ans de mariage de mes grands-parents, je me rappelle avoir chanté « Ah qu’elles sont jolies les filles de mon pays » pour elle, avec toute l’innocence de l’enfance. Ce moment, aussi simple soit-il, a cristallisé quelque chose d’indéfectible entre nous. À travers cette chanson, c’est tout un monde de tendresse qui s’est exprimé, un monde que nous partagions, elle et moi, au-delà des mots, au-delà du temps.

Aujourd’hui, bien qu’elle soit partie, elle demeure omniprésente dans mes pensées. J’aurais voulu lui dire encore tant de choses, partager avec elle bien d’autres moments, mais la vie en a décidé autrement. Pourtant, chaque jour, je la retrouve dans les petits gestes, dans les souvenirs qui refont surface, dans les valeurs qu’elle m’a transmises. Ses paroles continuent de résonner en moi, son amour m’accompagne, et c’est ce qui me donne la force d’avancer.

Elle a laissé derrière elle bien plus qu’un vide, elle a laissé une empreinte indélébile. Et si aujourd’hui je peux regarder ma mère et me dire qu’elle est une femme exceptionnelle, c’est parce que, sans aucun doute, elle a été élevée par une femme tout aussi extraordinaire. Ce fil qui relie les générations est inaltérable. Il traverse le temps, se tisse dans chaque regard, dans chaque geste d’affection, et c’est ainsi que ma grand-mère vit encore à travers nous.

À toi, ma mémé Arlette, qui continues de briller, même au-delà des étoiles. Tu es une lumière qui ne s’éteint jamais, une force qui nous porte encore aujourd’hui. Tes leçons, ton amour, et tes silences complices sont gravés à jamais dans nos cœurs.

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